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Et puis un jour…
Bien des choses changèrent…
Grand-papa n’était plus dans sa chaise berçante
Devant la fenêtre qui donnait
Sur le sud…
Le regard perçant
Surveillant les éventuels visiteurs
Tout en rallumant sa pipe toujours éteinte…
Il laissait ses grosses bottes de grange
Dans la pièce à l’arrière
Et conservait ses gros bas de laine
Que grand-maman tricotait
Pendant les longs soirs d’hiver.
Il se retrouva donc dans une pièce aménagée
Tout à côté de la cuisine d’hiver
Dans le vieux salon tout petit
Où les filles de la maison
Recevaient leur prétendant
Il y avait de cela bien des années…
Ayant par la fenêtre
Une vue sur un champ de patates…
Le grabat où il dormait,
Dans sa combinaison de laine,
S’y trouvait tassé contre le mur
Depuis je ne sais combien d’années…
Grand-maman ne régnait plus
Dans sa belle grande cuisine d’été pleine de lumière…
Son petit royaume était maintenant
Une toute petite cuisine surchauffée
Le poêle à bois y étant toujours allumé
Les fenêtres fermées…
une chaise de paille tressée
pas confortable du tout...
Venant compléter leur petit logis
La chambre à coucher, impeccable,
Tout en blanc…
Tout était blanc…
Les murs
Les draps…
Même sa robe de nuit était blanche…
S’y trouvait aussi une ancienne commode
Où devait être suspendu
Sa robe noire du dimanche
Et l’habit de grand-papa…
Ces trois pièces
Baignaient dans un lourd silence
Sans soleil
Les fenêtres donnaient sur le nord.
Je n’y restais jamais bien longtemps.
Le temps du déjeuner,
Des rôties que grand-maman
Faisait sur le poêle toujours chaud.
Je crois bien aussi
Qu’il y avait une confiture de fraises sauvages.
Je me rappelle ce que grand-papa dégustait pour le dîner!
Du lait caillé, du yogourt nature en quelque sorte
Qu’il faisait lui-même
Dans un vieux plat en aluminium tout bossé
Avec une assiette pour éviter que les mouches
Ne viennent s’y noyer!
Un concombre et du lard salé!
J’adorais le regarder manger!
Émerveillée j’étais!
Parfois je restais assise sur la chaise en paille tressée
À regarder grand-maman
Éplucher les patates en silence dans
Une grande assiette en fer blanc, pas neuve du tout
Qu’elle nichait dans les plis de sa robe noire
Bien sûr elle protégeait sa robe
Avec un tablier qu’elle enfilait
Dès le début des travaux de la journée.
Le couteau à patates avait tellement servi
Que la lame en était usée et courbée…
Mais pourquoi donc tous ces changements
Que je trouvais déconcertants
Avec une sorte de tristesse résignée
Dans mon cœur d’enfant?
C’est que l’oncle Victor
Avait trouvé une épouse
Qui régnait maintenant sur les quartiers des « vieux »…
C’est l’oncle Victor qui se berçait maintenant
Dans la vieille chaise de grand-papa
Plus de pain ne cuisait dans le four à pain
Les pieds de grand-maman
avaient cessé de danser
Sur les pédales du métier à tisser
Dans la pièce au-dessus de la grande cuisine
Il y avait maintenant du liquide spécial
Pour laver la vaisselle…
L’eau ne servait donc plus à abreuver les cochons.
Le grand chaudron de fonte
Dans le foyer du réduit tout au côté de la cuisine
Ne servait plus non plus…
Son règne était perdu dans l’histoire
De toute une génération
Mais tante Thérèse avait une bien jolie voix
Et je me rappelle les mélodies qu’elle chantait
Tout en préparant les repas de l’oncle Victor…
À suivre…
Lisette
30 juin 2019
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