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    Souvenirs d'une pipe toujours éteinte 

     

    Ne pas penser…

    Juste me laisser emporter par la magie.

    La magie des mots.

    Par ce crayon

    qui  m’entraîne…

    M’entraîne soudainement,

    à ma douce surprise

    sur le chemin du souvenir…

     

    Matinée d’été de mon enfance,

    dans les champs dorés

    de cette campagne de mes jeunes années,

    avec à mes côtés, une présence tranquille,

    de laquelle émane

    une mélodie apaisante.

    Une vieille chanson que turlute

    Mon vieux grand-père tant aimé.

     

    Chanson inconnue,

    Issue d’un passé lointain

    mais qu’il me semble bien reconnaître.

    Ou est-ce plutôt cette sérénité

    dans la voix de mon grand-père

    que je reconnais si bien?

    Ne serait-ce plutôt

    cette si douce tendresse

    toujours non-dite.

    Exprimée que par le plaisir

    de cet homme de paix

    à turluter ce qui l’habite?

     Souvenir d'une pipe toujours éteinte

    Nous allons tous les deux,

    longeant les vieilles clôtures des champs,

    ne tenant parfois que par le barbelé tout rouillé,

    lui boitillant, moi sautillant,

    avec le désir secret de lui tenir la main…

    Désir discret retenu par la timidité…

    Peut-être aussi la crainte de rompre

    l’enchantement d’un moment précieux.

    Moment que je ne sais nommer

    qu’aujourd’hui…

     

    C’est un homme de très peu de mots,

    silencieux.

    Tout reste non-dit.

    Et pourtant, j’entend tout.

    Toute la tendresse

    que son cœur contient.

    Tout mon corps de petite fille en vacances

    vibre de ce qu’il me laisse la joie de deviner.

     

    Une douceur imprégnée de ce parfum mystérieux…

    Celui de cette pipe presque éteinte

    qu’il retient entre ses dents

    et que parfois,  interrompant son pas,

    il tente de rallumer,

    la tenant bien maladroitement

    entre ses doigts abîmés par la vie,

    déformés par son grand âge.

     

    Et nous repartons,

    toujours dans ce doux silence

    où il arrive à dire

    sa joie de vivre,

    par de simples gestes,

    un petit regard discret

    de ses yeux bleus comme le ciel,

    par le langage du corps,

    son corps vieillit sentant bon le fumier,

    sentant bon le parfum des vaches

    qu’il vient de soigner…

     

    Il s’arrête à nouveau…

    Un piquet de clôture a cédé…

    Besoin d’être redressé.

    Je regarde tout autour

    avec des yeux inquiets…

    Le taureau n’est pas loin

    qui nous épie.

    Mais grand-papa, ses yeux taquins

    son sourire tout autant,

    me rassure alors!

     

    Puis, le ruisseau est juste là!

    Nous y sommes enfin!

    Et encore une fois

    je me laisse prendre par la magie de la découverte.

    Petite fille de la grande ville qui n’a jamais vu

    de ces drôles de petits poissons,

    tout petit, minuscules…

    Des « ménés »!?

    Quel drôle de nom!

    Mes pieds nus se laissent chatouiller

    craintivement, je l’avoue,

    pendant que grand-papa

    tente à nouveau

    de rallumer sa pipe éteinte.

     

    Je me rappelle très bien

    de l’odeur de son tabac,

    de ce tabac  qu’il laissait sécher

    dans sa vieille cave de terre battue

    où il y cachait aussi une drôle de petite bouteille

    d’une belle couleur ambrée…

    Je sais bien aujourd’hui

    que c’était son petit cognac…

     

    Je me rappelle très bien aussi

    du parfum qui émanait de grand-papa…

    Comme si c’était hier…

    Une odeur réconfortante, rassurante

    remplie de rêves.

     

    Oui, mais voilà,

    c’est le temps de retourner

    vers la vieille maison.

    L’heure d’appeler les vaches

    tout en criant tout doux

    ces mots étranges

    dont seules les vaches

    en comprenaient le sens.

     

    Je me souviens.

    N’ai rien oublié grand-père!

    Ni tes yeux couleur de ciel.

    Ni ton parfum,

    ni ton sourire taquin

    ni cette tendresse qui émanait

    de ta présence tranquille…

     

    Zut…voilà …la mine de mon crayon

    vient de se briser…

     

    Lisette

    2 mai 2017

     

     

     

     

     

     

     


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