• Le printemps

     

     

     

     

    Le printemps

     

     

    ON N’ANNULE PAS LE PRINTEMPS 

    STÉPHANE LAPORTE

    COLLABORATION SPÉCIALE

     

     

    Tout est annulé.

    L’école, les spectacles, les sports, les voyages, les sorties, les congrès, les projets. Tout est annulé parce qu’il le faut. Tout est annulé, sauf le printemps.

     

    Le printemps

     

    Le printemps n’a pas changé ses plans. Il est arrivé comme prévu. Il n’a pas besoin d’avion, le printemps. Il arrive par ses propres moyens. Il a débarqué, jeudi, à 22 h 50, précisément. Toujours à l’heure, le printemps. Il a remarqué qu’il n’y avait personne pour l’accueillir. Il a trouvé ça un peu bizarre. Puis, il s’est dit : ça doit être parce que cette année, j’arrive tard, le soir. Ils doivent être couchés. L’hiver a dû être éprouvant. Ils sont fatigués. Ils dorment.

     

     

     

    Vendredi matin, il nous attendait, le printemps. Devant notre perron, à l’arrêt d’autobus, devant la station de métro, là, où on est d’habitude, le vendredi matin. Prêt à nous prendre dans ses bras. Encore personne. Il a commencé à s’inquiéter. Ça doit être parce qu’il pleut. Les humains n’aiment pas la pluie. C’est pour ça que son chum l’automne est tellement moins populaire que lui. Le printemps est parti se promener dans le ciel. En pensant : à demain, je vais m’arranger pour qu’il fasse beau. Un beau samedi de printemps, ils ne pourront pas résister, ils vont tous se jeter sur moi !

     

    Le printemps

     

    On est samedi. Et il fait beau. Le printemps parcourt la ville : « Mais où sont-ils ? Mais où sont-ils ? Normalement, ces Québécois sont tellement intenses, tellement heureux de me voir, que même s’il fait encore froid, au premier rayon de soleil, ils enlèvent leurs gros manteaux, et sortent en t-shirt et en jupe, pour remplir les terrasses. » Personne nulle part. C’est effrayant. Le printemps angoisse.

     

    Finalement, il voit une vieille dame sortir sur son balcon. Tout emmitouflée. Il s’approche d’elle. La vieille dame recule : 

     

    «  Ne m’approchez pas, malheureux ! Vous ne connaissez pas la consigne ?

     

    – Quelle consigne ?

     

    – Il faut se tenir à au moins un mètre de moi.

     

    – Pourquoi ? Vous êtes malade ?

     

    – Je ne sais pas.

     

    – Vous vous sentez bien ?

     

    – Oui.

     

    – Alors laissez-moi vous embrasser !

     

    – Surtout pas ! Vous êtes qui d’abord, vous, monsieur ! ?

     

    – Je suis le printemps ! »

     

    Et le printemps fait une pirouette. Puis il enchaîne : 

     

    «  Vous me connaissez, sûrement !

     

    – Si je vous connais ? Ça, c’est certain. Ça fait longtemps que je vous connais, à part ça ! J’ai 80 printemps, moi, monsieur !

     

    – Raison de plus pour me faire un câlin !

     

    – Vous n’êtes vraiment pas au courant ! Tombez-vous du ciel ?

     

    – On peut dire ça, comme ça.

     

    – Vous n’avez pas Facebook, Instagram ou Twitter ?

     

    – Non, mais j’ai les oiseaux.

     

    – Les oiseaux ne vous ont pas dit que sur toute la terre, il y a une grande pandémie ? C’est le coronavirus. C’est très dangereux. Alors, pour ne pas le transmettre, on a annulé tous les rassemblements. On demande le confinement, surtout pour les personnes âgées, comme moi.

     

    Le printemps

     

    – Ah ! C’est pour ça qu’on dirait que la ville est fermée. Que personne n’est venu me chercher quand je suis arrivé.

     

    – On vous aime toujours autant, mais il faut rester isolé. Il ne faut rien propager et il ne faut rien attraper.

     

    – Je comprends tout. D’habitude, quand je viens ici, tout le monde est dehors. C’est la fièvre des séries. Tout le monde agite son drapeau tricolore.

     

    – La fièvre des séries, ça fait un petit bout qu’on ne l’attrape plus. On est bien vaccinés pour ça.

     

    – Ah bon… Mais, je me souviens, il n’y a pas si longtemps, il y avait plein de monde qui faisait du bruit avec des casseroles.

     

    – Ça, c’était en 2012, le printemps érable. En 2020, c’est le printemps misérable. »

     

    Et la dame se met à pleurer. Le printemps veut se rapprocher d’elle, mais il se retient : 

     

    «  Ne pleurez pas madame. Ça va aller ? Avez-vous le droit au moins, de sortir un peu, de vous promener ?

     

    – Oui ça, on peut. Mais seule.

     

    Le printemps

     

    –  Je vous promets que tous les jours, vous ne serez pas seule, je serai avec vous, quand vous ferez votre marche. Vous ne me verrez pas. Mais je serai là. Dans chaque feuille dans les arbres, dans chaque brin d’herbe, dans chaque rayon de soleil, dans chaque nuage blanc, dans chaque oiseau qui chante, dans chaque fleur qui renaît. Et quand je partirai, je dirai à l’été de vous accompagner, aussi. Il est tellement chaleureux, lui. Ça va bien aller. On peut tout arrêter. Sauf la vie. La vie ne s’arrête pas. La vie continue. Toujours. Et il faut tout faire pour continuer avec elle. Alors, faites ce qu’on vous dit, et l’année prochaine, je serai là, bien sûr, et vous serez là aussi. Et on pourra se sauter dans les bras. »

     

    La dame fait un léger sourire. Quitte son balcon. Et rentre chez elle.

     

    Le printemps s’assoit dans le parc. Seul. Comme il ne l’a jamais été.

     

    Les temps seront durs. Mais le printemps restera.

     

    Les temps seront durs. Mais le printemps reviendra.

     

    Le printemps

     

    Merci à M. Stéphane Laporte

    pour ce si joli texte

    Merci à la Vie!

    Gratias a la vida!

     

     

    Le printemps

     

    Je vous laisse un lien si vous voulez en savoir plus

    sur Violeta Parra

    à la voix d'ange

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Violeta_Parra

     

    Merci de me lire!

    Que la Vie vous soit douce!

     

    Le printemps

    « Une par uneSeul, ensemble »

  • Commentaires

    1
    Robert
    Samedi 2 Mai 2020 à 01:28

    Le printemps ne sera pas intimidé par le virus.

    il redonne de l’énergie, de l’assurance. Il crée l’amour partout.

    il suffit de le laisser pénétrer en nous. 

    Bravo a l’espoir, au renouveau, 

    Heureux  celui qui accepte de changer son intérieur pour 

    permettre un nouveau printemps dans son âme.

    Heureux celui qui aime et ne demande que le bonheur lucide.

    Robert

     

      • Samedi 2 Mai 2020 à 21:22

        "Un nouveau printemps dans son âme!"

        J'aime bcp ces mots!

        Merci Robert

    2
    Johanne
    Dimanche 3 Mai 2020 à 03:26

    Un beau regard sur la solitude qui finalement n'en n'est pas une si on prend le temps de regarder les écureuils sauter d'arbre en arbre, de s'émerveiller devant un oiseau rouge ( j'me rappelle pas du nom loll), de constater l'apparition des bourgeons, de gratter son terrain pour y découvrir l'arrivée de belles petites pousses vertes (mais oui, le gazon!).

    Je n'invente pas ces moments, je me suis arrêtée et je les ai vécus.

    Et demain, je me promets d'aller me faire le cadeau de m'acheter des longues vues! (même si je dois attendre en file à l'extérieur du Canadian Tire loll). 

    La solitude n'en n'est pas une lorsqu'on appelle sa maman pour lui dire:  Je t'aime maman xxxx

    Ta fille qui s'émerveille devant ta profondeur.

      • Dimanche 3 Mai 2020 à 03:42

        tu vas me tirer des larmes ma belle Johanne!!!!!!

        oufff...j'ai le frisson!

         

        Bonne et douce nuit trésor!

        Maman

        p.s. ton oiseau rouge c'est un cardinal! lol

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